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Pour une gauche de transformation sociale et écologique

texte collectif des membres de la commission écologie d’Ensemble publié dans le journal Reporterre

http://www.reporterre.net/Pour-une-gauche-de-transformation Ensemble

Les élections européennes ont montré qu’il est grand temps de refonder une réelle gauche prenant en compte la problématique environnementale. Construire une alternative qui s’oppose à la logique libérale en diminuant les oppressions et préservant l’environnement. Chiche ?

Des textes, en premier lieu ceux d’Hervé Kempf et de Noël Mamère sur le site Reporterre au lendemain des européennes, ont appelé à de nouvelles alliances, notamment entre Front de gauche et forces écologistes.

L’abstention et la montée de l’extrême droite aujourd‘hui aux portes du pouvoir, menacent l’existence même des valeurs de gauche et écologistes. Il est donc urgent de se rassembler mais aussi de clarifier les bases d’une telle alliance.

Eviter les erreurs du passé

En effet, en son temps la gauche plurielle dominée par le PS a été une forme de rassemblement large de la gauche, mais le résultat, nous le connaissons tous : ce fut le 21 avril 2002 ! Il est donc nécessaire de ne pas réitérer les mêmes erreurs.

La gauche de transformation sociale et écologique doit mener à bien deux tâches : refonder un projet d’émancipation et forger une nouvelle force politique capable de le porter. La chute du mur de Berlin a entériné l’échec du « socialisme réel » tant sur le plan démocratique que sur les aspects sociaux et environnementaux.

Le renoncement de la social-démocratie qui s’est converti au libéralisme a aussi largement échoué. Il est souvent apparu comme le cheval de Troie d’une politique par et pour les marchés et ce dans toute l’Europe. Socialisme rime désormais pour les citoyens avec productivisme et recul social.

Aucun de ces positionnements n’a su prendre en compte les impératifs environnementaux, en premier lieu la crise climatique, et ce qu’ils impliquaient des changements radicaux.

Une des erreurs de « l’ancien » mouvement ouvrier est d’avoir trop longtemps ignoré la dimension écologique de la crise du système capitaliste. Toute refondation de notre logiciel doit mettre au cœur de ses réflexions l’écologie, le rapport des sociétés humaines à leur environnement, sans pour autant perdre ce qu’il y avait de meilleur de la tradition socialiste.

Trois piliers et un ciment pour la critique du capitalisme

Rappelons que la critique de la logique capitaliste peut se fonder maintenant sur trois piliers et un ciment :

  1. L’économie capitaliste repose sur l’exploitation économique des salariés. Dans sa version ultra libérale, le monde économique n’est plus gouverné que par la recherche de la maximisation du taux de profit. Dans ce cadre, il existe toujours un antagonisme (et donc une lutte de classes) entre les détenteurs des capitaux et ceux qui n’ont que leur force de travail à échanger pour vivre. La lutte contre l’exploitation doit aujourd’hui intégrer pleinement les réalités environnementales : les premiers à payer la casse de la planète – aussi bien les conséquences environnementales que le coût de la « réparation » – sont la majorité non possédante de la population, et en premier lieu les plus pauvres.
  2. Le monde actuel est caractérisé par une série d’oppressions croisées qui se traduisent par des situations de dominations et de discriminations (sexisme, homophobie, racisme, discrimination de classe…). Ces rapports de domination doivent être combattus de façon spécifique. Ce combat est d’autant plus important, que ces passions tristes (notamment le racisme) sont le cœur de la force des mouvements néo-fascistes comme le FN.
  3. Enfin l’écologie nous a appris que les ressources naturelles n’étaient pas illimitées, qu’il ne pouvait pas y avoir de croissance infini des forces productives, des pollutions, ainsi que des consommations sur une planète finie et que le bien- être des populations passe aussi par une redéfinition de la richesse, du progrès et de leur rapport à la nature.

Cette redéfinition est d’autant plus urgente que nous vivons une crise écologique aux dimensions multiples : climat, biodiversité, pollution de l’air et des sols, baisse des ressources naturelles…

Opposer à la logique libérale un système qui diminue les oppressions et préserve l’environnement

Ces trois versants de la critique s’interpénètrent. La dégradation de l’environnement prend sa source dans logique productiviste et consumériste. Le racisme, l’homophobie ou le sexisme divisent les travailleurs face au pouvoir du capital. Enfin la crise écologique touche les plus pauvres, qui sont souvent aussi issus de l’immigration.

Pour construire une vraie alternative, il faut démontrer comment nous pouvons opposer à la logique libérale un système qui fasse décroitre les oppressions et préserve l’environnement.

Le ciment pour organiser autrement la société ne peut être que : plus de démocratie – et une démocratie réelle, que certains notamment parmi nous appellent autogestion – dans la cité mais aussi dans le travail.

C’est aussi le seul de moyen de trancher quelle satisfaction des besoins est supportable par la planète, de surmonter les possibles antagonismes entre évolutions technologiques

et durabilité de notre système de production, de reprendre la main sur les choix techniques et scientifiques.

Ecologie, anticapitalisme et antiproductivisme

Pour toutes ces raisons, il nous semble que le rassemblement des forces de gauche et de l’écologie doit se faire autour de l’écologie, de l’anticapitalisme et de l’anti- productivisme, qui sont les concepts du XXIe siècle capables de mobiliser. Ils doivent devenir le moteur de la gauche.

Social-écologie, écologie politique, écosocialisme, alter-communisme, objection de croissance, alter mondialisme, écologie populaire et d’autres termes, sont proposés à cette volonté de construire un nouveau monde qui tient compte des liens entre les hommes et de notre planète et qui veulent sortir du capitalisme. Or nous retrouvons ces bases, peut-être avec d’autres mots, dans les textes de Noël Mamère et Hervé Kempf. Nous souhaitons le vérifier avec eux.

Les contours politiques de cette alliance

Venons-en aux contours politiques d’une telle alliance. A notre avis, il faut acter l’échec du verdissement ou du gauchissement du PS. Nous rejoignons Hervé Kempf quand il écrit : « En restant attachés, directement ou indirectement, au PS, les écologistes et la gauche ne peuvent convaincre qu’ils représentent vraiment l’alternative. Il faut être dedans ou dehors. »

La politique de Valls est à la fois antisociale, elle renonce à un virage écologiste, mais elle est aussi raciste (plus spécifiquement contre les Rroms et les Musulmans). D’une certaine manière cela nous facilite la délimitation d’une éventuelle recomposition : elle doit être ouverte à tous ceux qui s’opposent aujourd’hui au parlement, comme dans la rue, à la politique du gouvernement et qui mettent l’écologie au cœur de leur réflexion.

Mais cette recomposition ne peut pas intégrer des forces de droite ou du centre qui se réclament du libéralisme économique.

Nous pensons qu’il est essentiel de ne pas limiter ces discussions aux partis politiques. Aujourd‘hui, par exemple dans le champ de l’écologie, le mouvement social et toutes les expérimentations « à la base » (la Confédération paysanne, la lutte de Notre-Dames des Landes et toutes celles contre les GPII, le mouvement anti-nucléaire, etc.) font autant, voire plus, bouger la société que les partis politiques. Toutes les forces syndicales, politiques et associatives doivent donc discuter des bases d’une telle refondation.

Convaincre qu’écologie peut rimer avec emploi et progrès social

Nous partageons la critique de Noël Mamère sur le nécessaire débat avec le Parti de gauche sur la question de la Nation et de la République. Ce point doit être discuté avec eux. Ce serait une erreur de mettre de côté la CGT ou le PCF. Il faut par contre débattre de façon intransigeante avec eux du productivisme.

Mais de toute façon si nous n’arrivons pas à convaincre qu’écologie peut rimer avec emploi et progrès social, ce n’est pas seulement la CGT ou le PCF qui manqueront à notre regroupement, mais l’ensemble des classes populaires qui resteront en dehors d’une telle refondation. Notons que beaucoup de chemins a été fait par le PCF et certaines fédérations de la CGT sur les questions d’écologiques.

Pour conclure, nous sommes d’accord pour débattre de façon la plus large possible sur une refondation à gauche qui soit une véritable alternative au PS. Comme le dit H. Kempf : « L’objectif est de construire une force qui se substitue dans le cœur et la force de la gauche au PS déliquescent ».

Chiche !

Alors oui, nous disons chiche et nous proposons que des débats soient organisés pour qu’une telle refondation ait lieu. Ensemble ! sera partie prenante de tous les débats et les initiatives dans la perspective d’un processus d’assises pour une gauche de transformation sociale et écologique.

 

mercredi 9 juillet 2014

Hendrik Davi, Gilles Monsillon, Stéphane Lavignotte, Vincent Gay, Laurence Lyonnais, Laurent Garrouste, Pierre Kohmiju

Les signataires sont membres de la commission écologique du Mouvement Ensemble

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