Publié initialement sur mon blog de Marsactu
Le président de la République vient lundi prochain à Marseille. Évidemment, tous les Marseillais souhaitent que l’État investisse plus dans la seconde ville de France, qui, par bien des aspects, a été une des grandes oubliées des politiques nationales.
Marseille est une ville où les inégalités sont les plus criantes, avec un taux de pauvreté à 25%[1] quand d’un autre côté 4 000 marseillais étaient imposables sur la fortune en 2015 ! Le sous-investissement dans les écoles a conduit à un séparatisme scolaire préoccupant[2].
Marseille est une des villes avec le moins de transports en commun et la moins cyclable de France[3]. C’est donc une des villes où on se déplace le plus en voiture (45.6% contre 12.8% à Paris, 27.4% à Lyon et 39.5 % en moyenne pour les grandes villes)[4] et c’est par conséquent la seconde ville la plus polluée de France.
Marseille a donc besoin d’investissements, pas de plans de communications et de faire-valoir pour un président mal-aimé. Emmanuel Macron n’a plus la confiance des Françaises et des Français. Il a imposé une réforme des retraites contre l’avis de 90% des actifs, l’unanimité des syndicats de salariés et contre une majorité de députés. Il essaye de faire oublier ce piteux bilan anti-démocratique et anti-social en jouant les mécènes.
Une politique spectacle peu coordonnée et peu efficace !
Le problème de cette politique spectacle est qu’elle manque cruellement de stratégie globale et de concertations avec les acteurs. Dans ce cadre, le risque est grand de multiplier des grands projets inutiles et de gaspiller l’argent avec une multitude d’actions brouillonnes, qui en plus déstabilisent le travail des acteurs locaux.
Prenons quelques exemples.
Concernant les écoles, le plan de construction va être mis en œuvre par une société mixte qui probablement utilisera les nouveaux marchés globaux de performance. La facture va donc grimper de 1 milliard à 1.5 milliards. Un marché global de performance permet à l’acheteur d’associer à la construction des écoles, la maintenance et la réalisation de prestations, afin de remplir des objectifs chiffrés de performance environnementale. Ce type de marchés est très coûteux pour les collectivités et fait la part belle, pour la construction et la maintenance, aux grands groupes du BTP. De plus, une fois les marchés terminés, il n’y aura aucun renforcement de la maîtrise d’œuvre au sein des services de la ville : les salariés de la société mixte repartiront ailleurs sur d’autres chantiers. C’est dommage, car le manque de compétence sur la maîtrise d’œuvre est aussi un verrou pour la politique du logement. Enfin, l’expérimentation Macron va mettre en concurrence les établissements scolaires pour l’octroi de budgets pédagogiques et amplifier donc les disparités entre écoles.
Concernant le logement, les ambitions demeurent ciblées sur quelques rénovations et avec la logique de l’ANRU de démolition / reconstruction dont on connaît bien les limites. Aucune aide pour les bailleurs et pour éviter l’explosion des charges locatives. Rien pour un plan global d’estimation des rénovations à faire. Quand aura-t-on un vrai service public qui aide à l’expertise de tous les immeubles un par un et qui accompagne les propriétaires ou les bailleurs sociaux pour la réhabilitation ?
Concernant les transports, les projets sont nombreux : automatisation du métro, extension du tramway, gare souterraine à St Charles. Mais on a l’impression d’une juxtaposition de projets sans stratégie globale. Or l’urgence est là aujourd’hui. D’autres mesures pourraient vite changer la vie des marseillais : Pourquoi ne pas avoir des bus et des tramways gratuits et plus fréquents ? Pourquoi ne pas davantage utiliser les lignes SNCF existantes, avant d’entamer des grands projets sur 20 ans pour des RER métropolitains ? En tout cas, ces investissements ne procèdent pas de concertations suffisantes avec la population. L’université Aix-Marseille n’a même pas été intégrée à la réflexion sur les transports ! En termes de moyens, j’avais déposé un amendement pour que le taux du versement mobilité des entreprises passe de 1% à 3% comme c’est le cas à Paris. Pourquoi le gouvernement n’accède pas à cette demande ?
Concernant la culture, les projets de studios de production et de cinémathèque sont intéressants, même s’ils semblent insuffisamment discutés avec les acteurs locaux. Mais il y a des choses simples : que fait l’État pour sauver les lieux de Culture comme l’espace Montevideo qui porte le festival Actoral de renommée internationale ? De nombreux services publics marseillais sont en grande difficulté, comme les bibliothèques ou les crèches. Que fait l’État pour revaloriser les métiers et aider les collectivités territoriales dont les budgets sont exsangues du fait de l’inflation et de l’explosion des coûts de l’énergie ?
Concernant la santé, il y a eu des gestes, comme la reprise de la dette de l’APHM, mais notre système hospitalier est au bord de l’effondrement. Il y a aussi urgence à sortir de la logique de la tarification à l’acte et de l’organisation de l’hôpital en pôles qui éloigne l’offre de soin des citoyens. Rien n’est fait concrètement pour accéder aux revendications des personnels, pour favoriser les centres de santé ou pour renforcer l’hôpital nord.
Concernant la sécurité, rien pour le renforcement de la police judiciaire qui mène les enquêtes contre la guerre des gangs, aucun moyen humains dédiés aux commissariats de proximité. Que valent des compagnies de CRS supplémentaires, quand il est impossible de déposer plaintes faute d’agents pour enregistrer la plainte et de magistrats ensuite pour juger les coupables ?
Marseille n’a pas besoin du président Macron déguisé en Zoro, mais du soutien financier de l’État aux différents acteurs de la ville, dans le cadre d’une stratégie globale co-élaborée avec les Marseillaises et les Marseillais.
[1] https://www.inegalites.fr/Les-taux-de-pauvrete-des-100-plus-grandes-communes-de-France
[2] https://www.lamarseillaise.fr/politique/tribune-hendrik-davi-en-finir-avec-le-separatisme-scolaire-NB14265329
[3] https://gomet.net/dossier-velo-a-marseille-batons/#:~:text=Selon%20lui%2C%20certains%20rapports%20admettent,»%20explique%2Dt%2Dil.
[4] http://www.adetec-deplacements.com/Le%20palmar%E8s%20des%20mobilit%E9s%20%28ADETEC%29.pdf