Auteur/autrice de l’image

Proposition de loi accès à l’enseignement supérieur

J’ai déposé une proposition de loi sur l’accès à enseignement supérieur, retrouvez le plan et l’exposé des motifs :

PROPOSITION DE LOI

Pour le gouvernement, les universités doivent produire des salariés “prêts à l’emploi” et l’enseignement supérieur est un marché comme un autre où prospèrent les établissements privés.

Or la production et le partage des savoirs répondent à d’autres enjeux. L’Université est un pilier de la démocratie. Le savoir critique qui se construit collectivement et qui se partage au plus grand nombre au sein de l’enseignement supérieur public est un formidable levier pour l’émancipation de toutes et tous. C’est une pièce centrale dans la fabrique des citoyennes et des citoyens. Il faut donc défendre la liberté académique et la pensée critique, qui sont vitales pour notre démocratie.

De plus, notre pays fait face à des enjeux écologiques et sociaux importants. Nous devons donc améliorer la qualification de notre jeunesse et ce à tous les niveaux de diplôme du CAP au doctorat. Nous ne pourrons pas affronter les défis qui sont devant nous, sans une jeunesse capable d’aller vers les métiers de demain. La bifurcation écologique, la relocalisation de notre industrie ou les métiers du soin exigent toujours plus de qualifications. La technologie s’améliore chaque jour et l’intelligence artificielle va entrer de plus en plus dans nos pratiques professionnelles. Le monde de demain est un monde de savoirs et de savoir-faire de plus en plus exigeants.

Nous devons donc faire le pari du savoir et l’accès à l’enseignement supérieur doit redevenir un droit fondamental. Or le système actuel est défaillant. Nous avons désormais 5 ans de recul concernant l’impact des réformes du lycée, du baccalauréat et de l’accès à l’université, mises en place en 2018 et 2019. Elles ont affaibli l’ensemble de notre système éducatif public.

L’objectif affiché de ces réformes était d’améliorer la réussite des étudiants. C’est un échec. 28 % des bacheliers entrés à l’université en 2014 sont sortis sans diplôme. En 2020, 46% des étudiantes et étudiants ne passaient pas en deuxième année.

Pire, Parcoursup laisse trop d’étudiants au bord du chemin. Sur 622 000 lycéens en 2023, 40 430 n’ont reçu aucune proposition et 96 474 n’ont pas accepté la proposition qui leur avait été faite. Ainsi, 136 904 lycéens ont dû renoncer aux études supérieures ou choisir des formations privées hors Parcoursup. Le nombre de bacheliers qui n’ont pas trouvé la formation de leurs choix sur Parcoursup demeure toujours élevé depuis 2018, oscillant entre 105 000 et 125 000, soit entre 17 et 21 % des bacheliers. Par ailleurs, 83% des élèves considèrent que cette procédure est stressante, selon le baromètre Parcoursup publié en 2023. Comme il n’existe pas de hiérarchisation des vœux, il est par ailleurs difficile de savoir si les étudiants ayant accepté une proposition sont satisfaits de celle-ci. Les taux d’abandon dans certaines filières comme les études d’infirmiers sont préoccupants. Selon le ministère de la Santé, en 2021, 10 % des étudiants ont abandonné leurs études en première année de formation d’infirmier, ils étaient trois fois moins en 2011.

Dans le même temps, le lycée a été complètement restructuré, cassant les classes et donc les solidarités. L’information à l’orientation, transférée partiellement aux régions, est souvent laissée à des associations, parfois à but lucratif. Les professeurs principaux censés accompagner les élèves sont insuffisamment formés à l’orientation et croulent sous les tâches administratives. Il y a un psychologue de l’éducation nationale du second degré pour 1500 élèves de collège et lycée général, technologique et professionnel. Le nombre de centres d’information et d’orientation (CIO) a été diminué et l’office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) a perdu la plupart de ses prérogatives et de ses effectifs.

Par conséquent, les inégalités sociales et de genre, demeurent fortes dans l’enseignement supérieur : environ 30 % des étudiants suivant des formations de type BTS et licences non sélectives sont socialement favorisés quand les formations de type licences sélectives, études de médecine, d’architecture comportent entre 50 % et 60 % d’élèves favorisés.

Les inégalités de genre perdurent aussi. Les filles s’orientent davantage vers les formations de santé et de lettres et les garçons vers les formations technologiques ou scientifiques. Les réformes récentes ont induit une chute brutale et inédite depuis 1970 de la proportion des filles continuant un parcours de mathématiques en terminale : moins de 36% de filles sont dans ces parcours aujourd’hui, contre 47,5% en 2019.

Enfin, l’inégale répartition des établissements d’enseignement supérieur, qui est renforcée par les politiques de site, induit des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Les plus défavorisés priorisant les universités proches de leur domicile pour des raisons de coûts. La mobilité inter-académies est d’autant plus socialement discriminée que le calendrier d’instruction des dossiers de prestations sociales est tardif par rapport à celui de la procédure de Parcoursup. Cela induit des incertitudes lourdes et des freins financiers lorsqu’un déménagement est à envisager pour un lycéen. Ce sont ainsi les élèves les plus en difficulté qui se retrouvent confrontés au manque de logement pour les étudiants.

Enfin, l’offre de formation est notoirement insuffisante. Entre 2010 et 2022, le nombre d’étudiants inscrits à l’université est passé de 1,5 million à 1,7 million et dans les autres établissements post-bac, il est passé de 800 000 à 1,2 million. Mais les budgets des universités et les recrutements n’ont pas suivi cette augmentation. Par conséquent, la dépense par étudiant a baissé de près de 10 % et le taux d’encadrement est passé de 1 enseignant pour 38,4 étudiants en 2012 à 1 pour 47,3 en 2019.

L’augmentation du nombre d’étudiants inscrits à l’université s’explique en partie par les évolutions démographiques que connaît la France. Les enfants du baby-boom de 2000 sont arrivés à l’université aux alentours de 2018, créant de fortes tensions sur les demandes d’inscriptions dans le supérieur. L’augmentation du nombre de naissances entre 2006 et 2014 entraînera le même phénomène lorsque cette cohorte arrivera dans le supérieur entre 2024 et 2032. Il est donc nécessaire de prendre en compte cette augmentation en créant de nouvelles places dans l’enseignement supérieur public et en augmentant le nombre de personnels éducatifs pour accompagner cette génération, plus nombreuse.

Or dans tout système d’appariement, si le flux entrant est trop fortement supérieur au flux sortant, cela génère des tensions fortes. Le système Parcoursup aurait beau être extrêmement efficace, si trop d’élèves n’obtiennent pas la formation de leurs choix du fait du manque de places, alors qu’ils estiment avoir le niveau pour la suivre, cela génère de la frustration, voire du désespoir et amplifie la reproduction sociale.

C’est le secteur privé qui profite de ces réformes. Il est présent dans le conseil à l’orientation avec l’émergence de coaching pour Parcoursup et il truste les salons étudiants. 40% des formations proposées par Parcoursup sont privées et nombre d’étudiants quittent la plateforme pour des formations privées qui n’y sont pas. Par conséquent, les effectifs dans le secteur privé ont augmenté de près de 77% entre 1998 et 2018, passant de 13 % à 26 % des inscrits. Ils ont même bondi de 10% entre 2022 et 2023, avec des formations à la qualité douteuse, parfois uniquement en distanciel, bénéficiant de la manne que représente l’apprentissage.

Dans ce contexte, il est essentiel de revoir l’offre de formations et la politique d’orientation. Un meilleur accès à l’enseignement supérieur doit croiser trois choses : les souhaits des élèves, les besoins en qualifications discipline par discipline et l’offre existante en formations. Il faut donc revoir toutes les politiques publiques du lycée et du supérieur pour améliorer l’accès à l’enseignement supérieur. C’est l’objet de cette proposition de loi, qui part de l’état des lieux du rapport d’information n°1406 sur l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur et qui en reprend certaines des conclusions.

Cette proposition de loi est organisée en deux titres et quinze articles.

Le titre 1 a pour objectif de refonder le service public de l’orientation au collège et au lycée.

L’article 1 vise à définir les objectifs de la politique nationale d’orientation au collège et au lycée. L’orientation pâtit de ne pas voir ses objectifs formalisés dans une stratégie nationale cohérente, comme en témoigne le rapport Charvet publié en 2019. L’article propose également la création d’un délégué interministériel à l’orientation chargé de la mise en œuvre de la politique publique qui pilotera l’ONISEP ainsi que les différentes initiatives de l’État pour l’orientation, pour davantage de cohérence.

L’article 2 retire aux régions les prérogatives en matière d’orientation qui leur ont été attribuées par la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018. Ces prérogatives non seulement reconduisent les inégalités territoriales entre régions, mais demeurent aussi inefficaces. Les services régionaux ont peu d’expertise en matière d’orientation et sont en réalité des doublons des acteurs académiques et universitaires chargés de mettre en place la politique d’orientation sur le territoire.

L’article 3 prévoit que l’ONISEP récupère les missions qui étaient les siennes avant d’être transférées aux régions et retrouve ainsi le niveau de ses effectifs précédant le transfert. En effet, l’évolution des missions de l’ONISEP à la suite du transfert s’est traduite pour l’office par la diminution d’une part importante de ses effectifs à hauteur de 155 ETP.

L’article 4 vise à renforcer l’accompagnement à l’orientation en doublant le nombre de psychologues de l’éducation nationale spécialistes des questions d’orientation scolaire et professionnelle, pour atteindre un taux de prise en charge d’environ 600 élèves et en rouvrant des centres d’information et d’orientation.

L’article 5 vise à renforcer la formation des professeurs, notamment aux mécanismes qui conduisent à des inégalités de trajectoires scolaires selon le genre et l’origine sociale de façon à pouvoir les contrecarrer, avec la mise en place d’un module obligatoire dédié à l’orientation des élèves dans la formation initiale de tous les professeurs et l’obligation de proposer aux professeurs principaux une offre annuelle de formation continue.

L’article 6 vise à garantir le droit pour chaque élève de terminale de réaliser un entretien trimestriel avec un psychologue de l’Éducation nationale spécialiste des questions d’éducation, d’adolescence et de conseil en orientation scolaire et professionnelle afin de rendre effectives les heures dédiées à l’orientation dans tous les établissements.

L’article 7 vise à créer une liste d’associations agréées par le délégué interministériel à l’orientation susceptibles d’intervenir devant les élèves dans le cadre de l’orientation. Ces interventions doivent dans tous les cas être à l’initiative des équipes pédagogiques et se focaliser sur la découverte des métiers et des filières de l’enseignement supérieur. L’objectif est de s’assurer de la qualité des interventions et d’éviter l’intervention d’associations qui poursuivent des objectifs marchands.

Le titre 2 a pour objectif de refonder l’accès à l’enseignement supérieur en supprimant notamment la plateforme Parcoursup.

L’article 8 vise à revenir sur la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (loi ORE) – l’accès à l’enseignement supérieur doit redevenir un droit effectif – et prévoit la création d’une nouvelle plateforme dédiée aux choix des lycéens concernant les formations publiques qui organise l’accès à l’enseignement supérieur selon le principe de la sectorisation. Chaque lycéen sera au minimum inscrit de droit dans la filière de son choix à proximité de son lieu d’obtention du BAC ou de son lieu de résidence.

L’article 9 instaure la gratuité des formations de l’enseignement supérieur public.

L’article 10 supprime la possibilité pour une université de disposer de la qualification de grands établissements. Rien ne justifie que l’université Paris-Dauphine, l’université de Lorraine, l’université Paris Sciences et Lettres et l’université Grenoble Alpes bénéficient d’un statut particulier.

L’article 11 précise que la dépense par étudiant doit tendre à être similaire d’une université à l’autre afin que l’affectation dans l’enseignement supérieur par sectorisation ne reconduise pas les inégalités territoriales existantes.

L’article 12 prévoit la réalisation d’une cartographie annuelle des besoins en qualifications et des filières en tension. En conséquence, le délégué interministériel à l’orientation actualise chaque année un plan d’emploi pour répondre aux besoins identifiés par la cartographie et prévoit un plan de construction de nouveaux établissements d’enseignement supérieur de manière à proposer une offre publique là où elle est insuffisante.

L’article 13 prévoit la généralisation d’un système d’accompagnement des élèves qui en ont besoin, notamment pour accueillir celles et ceux qui viennent de l’enseignement professionnel, technologique, qui sont en reprise d’études ou qui n’ont pas suivi les spécialités les mieux adaptées à la filière choisie, dans toutes les universités par filière, grâce à un redéploiement des moyens qui étaient antérieurement dédiés au dispositif “Oui SI”.

L’article 14 prévoit la réaffectation des moyens du programme 421 de France 2030 à toutes les universités ainsi que pour la construction d’universités nouvelles prévue à l’article 11.

L’article 15 gage cette proposition de loi.

La réussite des étudiants dépend aussi d’autres mesures qui sont présentes dans la proposition de loi n°791 de la XVIème législature telles que l’allocation d’autonomie et la construction de logements étudiants.

PPL Accès à l’enseignement Supérieur EDM + plan

Partager cet article :

les autres publications