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Sobriété énergétique: «Avec l’exécutif, c’est la stratégie des petits pas»

Interview publié dans Libération

https://www.liberation.fr/politique/sobriete-energetique-avec-lexecutif-cest-la-strategie-des-petits-pas-20220803_VNC54347KFFF3P55CGBIO46SX4/

Le député insoumis Hendrik Davi regrette que le gouvernement ne promeuve la sobriété énergétique que depuis la guerre en Ukraine. Il appelle à une «profonde transformation» de nos consommations.

par Marceau Taburet

Le 14 juillet, dans les jardins de l’Elysée, Emmanuel Macron annonçait la mise en place d’un grand plan de sobriété énergétique à destination des administrations, des entreprises et des particuliers. A l’objectif d’anticiper l’arrêt des livraisons de gaz russe s’est greffé l’argument écologique. Pour le député La France insoumise (LFI) Hendrik Davi, il faut d’abord «lutter contre la surconsommation des plus riches».

Le cap fixé par le gouvernement de réduction de 10 % des consommations d’énergie d’ici deux ans vous semble-t-il suffisant ?

Cet objectif est possible et même souhaitable mais pas assez ambitieux. Il y a, dans cette histoire, une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que le gouvernement découvre enfin le concept de sobriété, après celui de planification il y a quelques mois. On progresse. Encore un effort et on arrivera au programme de La France insoumise. La mauvaise nouvelle, c’est qu’ils n’envisagent cette sobriété qu’en réaction à la guerre en Ukraine et au risque de coupure de gaz cet hiver. La sobriété doit être une transformation profonde de nos modes de production et de consommation pour résoudre globalement la crise écologique. Ils ne voient la sobriété que comme une manière de faire face à un problème à moyen terme. C’est prendre le problème par le petit bout de la lorgnette.

Les premières pistes évoquées (extinction des panneaux publicitaires la nuit, baisse de la climatisation et du chauffage dans les administrations publiques) vont-elles dans le bon sens ?

Je suis consterné, c’est du bon sens mais ces mesures sont très peu contraignantes et surtout déjà existantes. En lisant les comptes rendus des premiers groupes de travail, les bras m’en sont tombés. C’est la stratégie des petits pas. Peut-être qu’on surconsomme aujourd’hui et que leurs dispositions suffiront pour atteindre la baisse des 10 % d’ici deux ans mais ce n’est pas ce qui va permettre de changer radicalement nos modes de vie. Il faut en finir avec la société de consommation, qui commence par la lutte contre la surconsommation des plus riches.

Comment sortir de la société de consommation ?

La question ne se pose pas comme ça. On rencontre le même problème avec le concept de décroissance. Je pense, à titre personnel, qu’il faut tendre vers cet objectif mais les gens qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois ont du mal à l’entendre. Se loger, se nourrir, boire, c’est nécessaire. En revanche, on peut considérer que certaines consommations de luxe sont dispensables.

A quoi pensez-vous ?

Je suis choqué de voir que les particuliers ne peuvent plus arroser leur potager pendant qu’on asperge d’eau les terrains de golf et que les très riches utilisent leur jet privé. Ce n’est pas tenable socialement. Arroser les terrains de golf en période de sécheresse et de canicule, c’est absurde.

Vous préconisez l’arrêt de l’arrosage des greens ?

Oui. Quand il n’y a plus d’eau pour personne, on ferme les golfs. Ce n’est pas un scandale absolu. L’herbe repousse en automne. C’est symbolique mais le symbole est important. Regardez Total qui amasse 5 milliards de bénéfices sur un trimestre pendant que les gens n’arrivent pas à mettre de l’essence dans leur voiture pour partir en vacances. Les très riches vivent dans une bulle.

Sommes-nous prêts, collectivement, à faire des efforts pour réduire notre consommation d’énergie, d’eau et d’électricité ?

L’épuisement des ressources va nous obliger à réduire nos consommations, qu’on le veuille ou non. Le risque étant que ce soient les plus pauvres qui trinquent. Quand on impose un tel changement de nos modes de vie, il faut accompagner les classes populaires. Arrêtons de pousser les gens à consommer. Tout est organisé pour qu’on consomme plus. Réduire notre impact environnemental ne veut pas non plus dire revenir à la bougie.

N’y a-t-il pas un risque de pénaliser davantage les classes populaires ? Comme cette piscine fermée cet été à Issy-les-Moulineaux (Haus-de-Seine) pour faire des économies d’énergie.

Il y a d’autres choses à faire avant de fermer les piscines. On consent aux règles si tout le monde est logé à la même enseigne. Interdire l’usage dispendieux des ressources, si c’est pour tout le monde, il n’y a rien à dire. Demandons d’abord aux entreprises et aux administrations de faire des efforts, les particuliers suivront. Si on offre des alternatives, on peut contraindre. Notre camp est en train de gagner la bataille idéologique sur le sujet. La jeune génération est intransigeante. Plein de gens refusent maintenant de prendre l’avion. Ils nous montrent la voie.

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