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Non « Marseille en Grand » n’est pas une politique de gauche !

Dans un édito, Thomas Legrand défend l’idée que le projet « Marseille en Grand » serait une expérience de gauche et critique les députés Nupes qui s’y opposent. Nous laisserions des valeurs comme l’expérimentation et l’autonomie à la droite, à cause d’une stratégie « d’affrontement à tous crins ». En tant que député Nupes de Marseille, j’explique pourquoi je ne partage pas son point de vue.

Dans un édito du 15 septembre, Thomas Legrand défend l’idée que le projet “Marseille en Grand” serait une expérience de gauche et critique les députés NUPES qui s’y opposent. Nous laisserions des valeurs de gauche comme l’expérimentation et l’autonomie à la droite, à cause d’une stratégie « d’affrontement à tous crins ». En tant que député NUPES de Marseille, j’explique pourquoi je ne partage pas son point de vue.

Il est d’abord inacceptable que l’État ait assorti son aide à la rénovation des écoles marseillaises de contreparties. La situation dans laquelle se trouve le bâti scolaire dans notre ville, particulièrement dans les arrondissements populaires, après des décennies d’abandon, réclamait son intervention urgente pour rétablir l’égalité dont il est le garant.

Le projet “Marseille en Grand” comprend deux volets. Le premier sur la rénovation comble une partie du retard pris par les établissements publics délaissés sous l’ère Gaudin. Mais rappelons que ce n’est pas l’État qui verse 1.2 milliards, la ville empruntant 800 millions et 250 millions étant pris sur le budget de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), sans que l’on sache d’ailleurs si cela sera compensé.

Le second consiste en une “expérimentation pédagogique pour inventer l’école de demain”. C’est sur ce sujet que se sont concentrées les critiques de la gauche. Les écoles doivent élaborer des projets et seules les écoles sélectionnées bénéficient de moyens financiers et humains supplémentaires.

Est-ce de gauche ?

En réalité, les concepts pris isolément ne sont jamais de droite ou de gauche. Tout dépend du contexte et des conséquences pratiques des réformes mises en œuvre.

Par exemple, l’autonomie des universités a conduit à une dégradation des conditions d’études avec une baisse de 24% du taux d’encadrement depuis 2010. Couplée à Parcoursup, elle a accru la sélection à l’université, et la compétition entre formations, entre filières et entre étudiants, et a entraîné pour les personnels des burns out, une augmentation de la bureaucratie et un manque chronique de moyens.

Examiner une réforme, sans voir le cadre idéologique dans laquelle elle est menée, est d’une naïveté confondante. L’objectif des politiques néolibérales en Europe est de développer le marché de la connaissance en mettant en compétition les établissements. Cette marchandisation du savoir, commencée avec l’enseignement supérieur, connaît maintenant une nouvelle étape avec le primaire et le secondaire. Marchandisation ne veut d’ailleurs pas dire automatiquement privatisation, mais gestion d’un service public – ici la production et la transmission du savoir – comme une marchandise. L’idée sous-jacente est que la compétition entre les acteurs et les “clients” rend plus efficace le système dans son ensemble. L’exemple de la Suède, détaillée dans un article récent du Monde1, montre à quel point ce projet global est un échec. Dans ce pays, le système scolaire pendant longtemps érigé en modèle, s’est détérioré à mesure que l’enseignement privé a progressé, avec comme conséquence un creusement des inégalités.

L’objectif recherché par ce type d’expérimentation, c’est que chaque établissement ait sa propre identité et ses propres projets. Ils entrent alors en compétition pour attirer d’abord « les clients élèves » et ensuite avoir le loisir de recruter les enseignants. Pour l’instant, le gouvernement a dû faire un pas en arrière sur la liberté de recrutement. Mais cela va revenir. Toute cette logique de mise en compétition est de droite, c’est l’agenda néolibérale mis en œuvre par Pinochet, Thatcher et Reagan.

Examinons-en les conséquences concrètes. Certains enseignants vont perdre un temps fou à écrire des projets et découvrir les délices des appels à projet pour juste avoir un vidéoprojecteur neuf ou une cour d’école végétalisée. Au début, cela peut paraître séduisant de réunir un collectif autour d’un montage de projet. Mais à la fin, cela devient un enfer bureaucratique avec le cycle infernal que les enseignants-chercheurs connaissent bien : montage de projets, dépôts de documents administratifs toujours plus compliqués et évaluation.

Cette expérimentation vise donc in fine à la contractualisation des moyens en fonction d’objectifs. Dans nos quartiers délaissés, nous avons, au contraire, besoin de plus de services publics et d’un engagement inconditionnel de l’État. Faire dépendre l’attribution de moyens supplémentaires de l’obtention de projets n’est pas la solution. Ce processus, à terme, conduit toujours à plus d’inégalités entre écoles. Ça c’est de droite !

Autonomie et expérimentations peuvent être évidemment déclinées à gauche, mais cela nécessiterait moins de 20 élèves par classe, – donc embaucher 130 000 enseignants-, donner plus de moyens récurrents aux enseignants et respecter leur liberté pédagogique, dont la meilleure garantie demeure le statut de fonctionnaire, ce qui passe par la titularisation de tous les contractuels.

Bref appliquer le programme de la NUPES, qui lui est de gauche.

[1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/09/l-ecole-suedoise-degradee-par-une-logique-de-marche-est-devenue-un-contre-modele_6140851_3232.html.

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