Tribune publiée dans Politis
https://www.politis.fr/articles/2023/05/non-a-la-tarification-a-lactivite-dans-le-medico-social/
La réforme SERAFIN-PH (Services et Etablissements : Réforme pour une Adéquation des FINancements aux Parcours des personnes Handicapées), qui est actuellement expérimentée dans le secteur médico-social va dégrader profondément le service public d’accompagnement des personnes en situation de handicap. Les professionnels des structures concernées tirent la sonnette d’alarme sur cette tarification à l’activité qui ne dit pas son nom et déshumanise le travail social.
SERAFIN-PH est en effet largement inspiré de la T2A qui a contribué aux graves crises que connaît l’hôpital public depuis bientôt vingt ans.
Ce système attribue une valeur à chaque acte. L’établissement est financé en fonction d’une liste de tâches réalisées par les salariés : certaines étant plus rentables que d’autres.
L’intégrer au service public d’accompagnement des personnes en situation de handicap constitue une double menace.
Pour les salarié·e·s, exposés à des mesures d’économies ou des exigences de rendements qui vont voir leurs conditions de travail se dégrader.
Pour les usagers, dont la qualité de l’accompagnement, dépendra de choix bureaucratiques dans la classification des actes.
Comment le gouvernement compte-t-il mettre en place ce dispositif ? La Caisse Nationale pour la Solidarité et l’Autonomie (CNSA) a dressé une liste de 25 « besoins » et d’une cinquantaine de « prestations », auxquels devront correspondre tous les actes accomplis par les professionnels.
Ce projet est actuellement en phase d’expérimentation dans 10 % des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS). Sa généralisation est prévue pour 2025.
Cette vision de l’accompagnement, comme une série d’actes isolés les uns des autres, ignore la nécessaire dimension globale de la prise en charge des personnes. Cela donne l’illusion que cette dernière peut se réduire à une addition d’actes techniques, comme pour réparer une machine défectueuse. Il suffirait de trouver le bon mode d’emploi, à chaque besoin correspondrait une “prestation”. C’est à la personne de s’adapter à l’institution et non l’inverse. Sous couvert de “personnalisation”, SERAFIN-PH standardise donc les accompagnements.
Les saisies informatiques déshumanisantes génèrent d’importants risques psycho-sociaux, chez les salarié.e.s. Cette démarche accroît le contrôle sur leur travail, qui doivent rendre compte de chacun de leurs actes à la minute et de façon chronométrée. Décliner les métiers en succession de tâches donne aux directions le pouvoir de formuler des exigences de productivité. De ce fait, elles deviennent encore plus des “courroies de transmission” des autorités tarificatrices.
Simultanément à cette tentative de mise au pas des salarié·e·s, il semble que nous soyons en train d’assister à une libéralisation à marche forcée du secteur médico-social. SERAFIN-PH facilite le recours à des prestataires privés. Les services rentables seront externalisés, le moins rentable et le moins intéressant – ce que le privé ne souhaite pas faire – demeureront dans un secteur public ou associatif dégradé. Nous connaissons cette logique avec l’hôpital. Aucune économie à la clé, au contraire : à la fin, chacun pour soi, et des dépenses privées qui explosent.
Enfin, toute cette démarche est absurde. Car le 6 janvier, Emmanuel Macron a annoncé dans ses vœux aux soignant·e·s mettre fin à la tarification à l’activité. Ce qui est mauvais pour les hôpitaux serait devenu bon pour le médico-social ?
Un seul moyen d’améliorer le service rendu au public et les conditions de travail des salarié·e·s : un financement récurrent, selon le nombre de bénéficiaires et la nature des projets locaux, avec internalisation de toutes les tâches.
Le dispositif SERAFIN-PH y fait obstacle. Archaïque et dangereux, son abandon n’est pas négociable.
Signataires
Hendrik Davi, député LFI.
Hadrien Clouet, député LFI.
Marianne Maximi, députée LFI.
François Ruffin, député LFI.
Jérôme Guedj, député PS.
Arthur Delaporte, député PS.