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La recherche est malade, Macron prescrit une saignée supplémentaire !

La recherche est malade, le médecin Macron prescrit une saignée supplémentaire avec une dose de précarité et une dose de bureaucratie supplémentaire !

Les diagnostics sont unanimes dans le monde de la recherche. Faute de moyens, la France plonge. En 1993, la France dépensait 2.32% de son PIB en Recherche & Développement, c’était le 4ème pays de l’OCDE et nous étions largement au-dessus de la moyenne européenne de 1.6%. Presque 30 ans plus tard, en 2021 la France est passée au 18ème rang de l’OCDE, avec un chiffre de 2.21 %, à peine supérieur au 2.17% de la moyenne européenne. Les années Macron n’ont rien arrangé car en 2016, la même dépense était de 2.22%. Aucun effet de la Loi de Programmation de la Recherche et des 7 milliards distribués sous forme de Crédit Impôt Recherche aux entreprises.

Pire, ce manque de moyens au vu des enjeux immenses, s’est accompagné d’une transformation radicale des modes de financements et d’une explosion de la précarité des personnels. En 1995, l’âge moyen de recrutement au CNRS était de 30 ans, il est maintenant de 34 ans au CNRS et de 35 ans à l’université ! On compte aujourd’hui 130 000 vacataires payés en dessous du SMIC horaire !

La précarité des personnels s’accroît à mesure que l’accès aux moyens financiers se précarise lui aussi, générant une montagne de bureaucratie pour les porteurs de projets et plus de souffrance au travail pour les personnels. Ce système conduit à des inégalités criantes entre ceux qui trustent tous les moyens et récoltent les « burn out » et ceux qui manquent de tout pour travailler !

Est-ce que le Président a compris les causes des maux dont souffre la recherche scientifique, c’est-à-dire le manque de crédits récurrents ? Non, c’est tout le contraire, il prescrit comme au Moyen Age une bonne saignée avec l’approfondissement des maux actuels et surtout une réforme à taux zéro, sans aucun moyen !

Emmanuel Macron prescrit la création d’un « conseil présidentiel de la science » composé de douze scientifiques pour échanger une fois par trimestre avec le président. Encore un bidule, qui ne rendra aucun avis public, dont on ne voit pas très bien la différence avec l’ancien « conseil stratégique de la recherche », créé en 2013 et en sommeil depuis 2015, qui lui-même était l’héritier d’une longue tradition de bidules censés conseiller le pouvoir exécutif : le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (institué en 1982), le Comité d’orientation stratégique (1995), le Conseil national de la science (1998) puis le Haut Conseil de la science et de la technologie (2006, HCST) déjà rattaché au Président de la République ! Le président a déjà un ministre de plein exercice pour faire le lien avec le monde académique, qu’il s’en serve et s’il a besoin d’éclairage sur un sujet, il faut construire des comités d’expert ad-hoc sur chacun des sujets spécifiques.

Ensuite, il prescrit un renforcement du pilotage de la recherche en dotant le ministère d’une vraie fonction de « pilotage et de stratégie”. Un pilotage politique des programmes de recherche est une hérésie. C’est une grave attaque à la liberté académique. Seules les communautés de chercheurs sont en mesure de savoir quels sont les fronts de sciences et quels sont les moyens dont nous avons besoin pour les étudier. Le pouvoir politique peut par contre au service des citoyens décider des objets de recherche (par exemple la tomate ou l’intelligence artificielle) sur lesquels une recherche finalisée est nécessaire. Dans tous les cas, ceci ne peut pas se piloter depuis le seul ministère.

Emmanuel Macron prescrit une simplification des procédures pour les chercheurs par exemple en diminuant les délais de réponse aux appels d’offres. Mais aucune réponse sur le fait que plus de 75% des projets déposés ne sont pas financés. Pour faire gagner du temps aux chercheurs, qui perdent leur temps à écrire ou évaluer des projets, il y avait pourtant une solution plus simple : la suppression de l’Agence Nationale de la Recherche et l’augmentation des crédits récurrents aux unités.

Mais ce n’est rien, il y a pire, Emmanuel Macron prescrit de tirer les conséquences des évaluations en proposant la fermeture d’unités de recherche mal évaluées. Les évaluations bureaucratiques et expéditives du HCERES (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) sont déjà un malheur en soi pour les équipes de recherche. Si en plus, on ferme les unités automatiquement en réponse à ces évaluations, nous allons détruire de nombreux collectifs de recherche. La vie des unités doit rester la prérogative des organismes de recherche et des universités. C’est les tutelles qui doivent décider ou non de la fermeture d’une unité, pas le HCERES.

L’autre point phare des prescriptions du docteur Macron est la transformation des Organismes Nationaux de Recherche en agences de programmes avec chacune une spécialité (ex : Inrae : agriculture, alimentation durable, forêt et ressources naturelles, Inserm : santé ; CNRS : océans, climat, biodiversité…). Dans une précédente note de blog, j’ai détaillé assez longuement cette proposition issue du rapport Gillet. Que certains instituts du CNRS ou certains EPST (Établissement public à caractère scientifique et technologique) comme l’INRAE ou l’INSERM soient moteurs sur certains sujets, c’est une évidence et c’est déjà le cas dans le montage des projets nationaux ou européens. Mais en quoi découper le paysage maintenant de la recherche en agence de programme (CNRS, INRAE, INSRM), une agence de moyen qui reste l’ANR et des opérateurs de recherche (qui sont soient les EPST soit les universités) clarifient-ils le paysage ? C’est encore une complexification inutile du système, avec en plus l’exigence que le CNRS en tant qu’agence de programme ne favorise pas le NRS en tant qu’opérateur de recherche. Je suggère une solution plus simple : on supprime l’ANR, et le CNRS redevient agence de moyens, agence de programme et opérateur. Bref un service public quoi ! La solution proposée par Macron mécontente tout le monde. Elle complexifie les tâches des EPST et met les universités sous tutelle des EPST concernant la programmation ! À la fin le risque est grand que le CNRS et les autres EPST deviennent des agences de programme, sans moyens puisque c’est le rôle de l’ANR, et voir sans les personnels qui pourraient être transférés à terme à l’université, même si sur ce dernier point la prescription du docteur macron demeure vague.

Macron prescrit une réforme de la gouvernance des universités avec un véritable acte 2 de l’autonomie. Les universités « doivent évoluer pour prendre une place centrale en tant que cheffes de file pour organiser la recherche scientifique de leur territoire« . Elles devront « construire leur identité », « leur politique scientifique sur un site », et « développer les collaborations avec les entreprises ». Mais surtout, il exprime la volonté « que sur chaque site universitaire, il y ait un gestionnaire unique pour chaque unité de recherche qui sera en charge de l’accompagnement administratif pour chacun des chercheurs » et que les ONR « délèguent la gestion des ressources humaines aux universités qui sont prêtes ». Le tout s’accompagne d’une proposition de « simplification du statut des personnels », mais sans annonce précise, car la Ministre Retailleau lui a dit de ne pas agiter le chiffon rouge.

On peut traduire cette novlangue de façon un peu plus précise.

À court terme, les gestionnaires d’unité vont devoir changer encore de système de gestion parfois pour la 3ème fois en 5 ans avec le cortège de dysfonctionnement et de « burn out ».

À moyen terme, tous les chercheurs devront faire autant d’enseignements que leurs collègues Maîtres de Conférence, alors qu’ils n’ont jamais été recrutés pour ce métier et qu’ils n’en ont parfois qu’une expérience très parcellaire.

À long terme, si on poursuit sa logique du docteur Macron, on arrêtera de recruter des fonctionnaires, pour ne recruter que des CDD sur projet, ce qui permet de simplifier les statuts. Les universités auront une autonomie complète y compris pour la gestion entière de leurs personnels précarisés et pourront affirmer leur identité en différenciant les frais d’inscription. Les familles auront la chance de prendre des prêts pour payer 10 000 euros une Licence et 20 000 euros un master, car comme le dit le président : « Ce n’est pas vrai qu’on doit donner tous les moyens identiques à tout le monde et qu’on doit avancer de la même manière, ça ne serait pas lucide ».

Nous avons besoin d’une grande loi de programmation de la recherche et de l’enseignement supérieur qui :

  • Refonde un service public de la recherche qui respecte la liberté académique des chercheurs et qui redonne le temps long aux chercheurs pour travailler sur les enjeux écologiques et sociaux actuels.

  • Exige le maintien des EPST dans leurs prérogatives de service public de la recherche.

  • Revienne sur l’autonomie des universités concernant la gestion des ressources humaines et sur les dispositifs de la loi de programmation de la recherche qui précarise les personnels.

  • Supprime l’ANR et le HECERES qui organisent une compétition malsaine entre tous les acteurs de la recherche.

  • Renforce le service public augmentant massivement les crédits récurrents aux unités, en titularisant tous les contractuels, et en embauchant 30 000 salariés dans les universités et les EPST.

  • Des moyens existants pour mettre en œuvre un tel plan avec le Crédit Impôt Recherche qui donne au privé 7 milliards sans aucune contrepartie.

J’ai déposé une proposition de loi-cadre NUPES allant dans ce sens il y a un an. Nous allons déposer à la rentrée une proposition de loi sur l’accès à l’enseignement supérieur pour la compléter et en finir avec la logique de sélection qui favorise le développement de l’offre privé, que j’ai dénoncé dans mon rapport pour avis au projet.

Enfin, la communauté des chercheurs doit se rappeler au bon souvenir du docteur Macron en se mobilisant sur tous les campus de France pour lutter contre cette saignée supplémentaire !

 

 

 

 

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