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INTERVIEW LA PROVENCE DÉCEMBRE 2023

Mon entretien dans la Provence

Le député LFI de Marseille Hendrik Davi revient sur les difficultés entre mairie et Métropole et sur les questions démocratiques qui se posent dans son parti.

Député de la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône, Hendrik Davi a publié Le Capital c’est nous, manifeste pour une justice sociale et écologique. Ce chercheur en écologie forestière, membre de la Gauche écosocialiste – affiliée à LFI – est partisan du programme de la Nupes pour qu’une “gauche de rupture” puisse gagner en 2027.

Comment jugez-vous l’action de la mairie de Marseille ?

Hendrik Davi : Je regarde surtout les sujets en lien avec mon mandat de député. Il y a un problème depuis la loi Notre, qui a partagé les responsabilités entre la Ville et la Métropole. Résultat : il est impossible d’avoir une politique cohérente à Marseille. Et on retombe sur la rengaine : un coup c’est à cause de Vassal, un coup à cause de Payan. Le maire fait ce qu’il peut pour mener une politique de gauche avec les moyens qu’il a. Je serai juste critique sur la restriction du droit de grève pour les agents des écoles et sur le fait qu’il aurait pu appeler plus fermement à un cessez-le-feu et condamner politiquement l’action d’Israël.

Fin 2019, vous aviez quitté le Printemps marseillais parce que Benoît Payan était pressenti pour en être le candidat.

Je défendais déjà le rassemblement sur une ligne de rupture. Il me semblait qu’elle ne pouvait pas être incarnée par un socialiste. Mais désormais il est élu et la gauche est au pouvoir.

Voulez-vous que LFI participe cette fois à l’union en 2026 ?

Il y aura deux tours. À la fin, il faudra se rassembler sur une ligne sociale et économique plus juste. Mais tant que la loi n’aura pas changé, gagner la Métropole sera aussi important que la mairie.

Au niveau national, vous prônez le “dépassement du capitalisme”. En est-on encore là ?

Mon livre est un guide pratique pour faire gagner une gauche de rupture. Pour cheminer démocratiquement vers une société écosocialiste, il faut sortir du triptyque “travailler plus pour gagner plus et consommer plus”. On ne peut pas continuer comme ça.

Dans une société où les opinions se polarisent, n’est-ce pas illusoire de penser obtenir l’adhésion du plus grand nombre ?

Non. On peut rassembler toutes celles et ceux qui veulent une autre société. Il n’y a pas que les élections dans la vie, que ce soit avec les syndicats, la société civile, les associations ou même les entreprises qui s’organisent différemment, comme les ex-Fralib à Gémenos. Seuls les travailleurs produisent des richesses. La critique de l’enrichissement par la rente ou la spéculation est majoritaire politiquement dans notre pays. Les lignes de fracture identitaires ne rejoignent pas les lignes de fracture sociales. 94 % des Français étaient contre la réforme des retraites !

Vous insistez sur le fait majoritaire

Au plus un fonctionnement inclut un grand nombre de gens, au plus on a de chances de prendre une bonne décision et qu’elle soit suivie d’effets. On l’a vu avec la Convention citoyenne, avec des propositions pertinentes qui n’ont pas été reprises par le gouvernement. Les élites de notre pays n’ont pas confiance dans la réflexion de ses habitants. Il y a clairement une tendance autocratique. La démocratie est pourtant la meilleure méthode pour prendre des décisions dans la cité, au travail mais aussi dans un parti.

LFI souffre-t-elle d’un manque de démocratie ?

Ce mouvement s’est construit autour de la campagne pour la présidentielle et n’avait pas de raison d’être démocratique. On doit passer à un fonctionnement plus pérenne en évitant d’avoir un parti sclérosé par les luttes de pouvoir. Il n’y a pas de solution miracle. On a eu quelques avancées sur la lutte contre le RN lors de l’assemblée représentative du 16 décembre. Mais il y a toujours deux angles morts : comment faire vivre la pluralité des points de vue ? Et comment décider en cas de vrais désaccords stratégiques ? En l’absence d’adhérents, on n’a pas de corps électoral pour trancher.

En avez-vous parlé avec Jean-Luc Mélenchon ?

J’en parle avec Manuel Bompard (coordinateur de LFI et député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, NDLR) au nom de la Gauche écosocialiste. C’est compliqué de ne pas avoir le cadre démocratique et de subir, en même temps, des attaques hyperviolentes. Cet automne, j’ai assumé d’avoir des divergences à LFI sur la qualification des actes du Hamas. Mais nous accuser d’antisémitisme n’était pas justifié. Nous devons garder en tête de gagner soit après une dissolution, soit en 2027. Toujours sur la base du programme de la Nupes, augmenté de nos propositions de loi comme celles que j’ai faites sur l’enseignement supérieur ou les croisières.

Jean-Luc Mélenchon peut-il encore être le candidat d’une gauche de rupture en 2027 ?

Le sujet actuel n’est pas de savoir qui est le mieux placé pour incarner un projet. L’important, c’est le programme.

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