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Fusion IRSN et ASN : un débat tronqué et un rapport bâclé à l’OPECST

En tant que membre de l’OPECST, j’ai assisté à la présentation du rapport recommandant la fusion IRSN et ASN. Je livre ici mon analyse du rapport.

Alors que les scientifiques estiment que nous avons dépassé 7 des 8 limites planétaires et qu’ils ne cessent de nous alerter sur les risques associés au changement climatique, il est urgent de faire bifurquer notre modèle de production et de consommation. La solution n’est pas une fuite en avant qui viserait à remplacer les énergies fossiles par du nucléaire, technologie du passé. Il est urgent de travailler à un scénario 100% renouvelables, associé à un modèle de société sobre en énergie et en ressources naturelles défini par une véritable planification démocratique.

Cependant, étant donné le retard pris par la France dans les renouvelables, les centrales existantes continueront de fonctionner quelques temps avant d’être démantelées. La sûreté nucléaire et la radioprotection doivent donc rester des priorités, d’autant plus que le gouvernement souhaite relancer cette filière avec des EPR2 et des SMR.

Malheureusement, le rapport rendu par l’OPECST n’est pas à la hauteur de ces enjeux. C’était un rapport attendu concernant la sûreté nucléaire. En tant que membre de l’OPECST, j’ai fait savoir lors de son examen ma déception. L’OPECST est une institution respectée et respectable. Nous voudrions décrédibiliser l’OPECST, nous ne n’y prendrions pas autrement.

La fusion hâtive IRSN-ASN est critiquée par l’intersyndicale de l’IRSN et l’Assemblée Nationale s’est déjà prononcée contre. Instrumentaliser l’OPECST pour remettre ce projet à l’ordre du jour n’est pas une bonne idée, ni pour le projet en question, ni pour l’OPECST.

Nous avons là bien affaire à une instrumentalisation. La première recommandation est de fusionner l’ASN et l’IRSN, alors même que la lettre de mission visait seulement à en évaluer les conséquences possibles. Ce parti pris est d’autant plus dommageable qu’il fait passer au second plan certaines propositions du rapport qui étaient intéressantes.

De plus, les conditions d’examen du rapport n’ont pas été satisfaisantes. Les membres de l’OPECST n’ont pas pu assister aux auditions, c’est certes habituel, mais le sujet aurait mérité que certaines soient publiques. Le rapport a été porté à notre connaissance à 10h20 pour un examen à 13h30.

Venons-en au fond du rapport. Il n’est pas à la hauteur. La première partie sur l’état des lieux n’apporte aucun élément de réponse à la question qui devrait être centrale : quelles sont les forces et les faiblesses du système dual IRSN-ASN actuel ? On ne peut que déplorer cette absence de diagnostic du système actuel, qui est en en définitive peu critiqué dans le rapport. Par ailleurs, le concept de système dual est remis en question de façon assez lapidaire, en confondant le travail des salariés qui évidemment collaborent sur le terrain et les prérogatives dans les décisions.

Certaines assertions importantes, comme celle qui attribue le succès du programme du nucléaire à la souplesse du système de contrôle sont insuffisamment démontrées. Le rapport prête à EDF des propos inquiétants concernant l’opportunité d’un assouplissement de la prise en compte du risque de séisme. Faire confiance aux rapports de la Cour des comptes plutôt qu’aux agents au sujet de la sûreté nucléaire est plutôt questionnable, surtout que les problèmes de relation entre ASN et IRSN semblent être résolus.

De nombreux éléments manquent dans le rapport. La question des différences de statut dans une même autorité (fonctionnaires, contractuels de droit public et de droit privé) n’est pas mentionnée ! Les conséquences sociales d’une éventuelle fusion sont mentionnées, mais rien n’est de nature à rassurer les personnels. Les activités de l’IRSN autres que l’expertise des installations, telles que notamment la surveillance, le médical, les impacts environnementaux, le traitement de l’héritage du nucléaire ne sont pas mentionnés.

A aucun moment, le rapport n’aborde les activités du Pôle Défense Sécurité de l’IRSN autres que celles liées à la sûreté défense. La sûreté des installations de défense est en outre plus effleurée que véritablement évoquée. Aucune personne impliquée dans le contrôle de la sûreté ne semble avoir été auditionnée.

Finalement, très peu d’extraits d’audition sont cités. Elles étaient pourtant nombreuses. Quelles ont été les opinions exprimées réellement en faveur ou en défaveur d’une fusion et quels points de vigilance ont été soulevés ? Le rapport ne les mentionne pas.

Quelles que soient nos positions concernant la relance du nucléaire, le débat sur la sûreté mérite mieux qu’un débat tronqué et un rapport bâclé. J’ai proposé en séance qu’un débat plus collégial ait lieu avec de nouvelles auditions publiques, avant de rendre un rapport définitif, qui lui pourrait être consensuel. Cela a été refusé.

En conséquence, j’ai voté contre l’adoption du rapport.

Casser le thermomètre du risque nucléaire ne sera pas de nature à rassurer nos concitoyens sur l’énergie nucléaire. Un vaste débat national doit s’enger rapidement sur la sûreté nucléaire et  les conséquence d’une éventuelle fusion entre IRSN et ASN !

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