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Eléments de bilan des élections de 2017 sur la 5ème circonscription à Marseille

Ceci est mon bilan personnel, il n’engage évidemment que moi-même.

Les chiffres…

Le 23 avril 2017, sur cette circonscription Jean Luc Mélenchon a obtenu 13 093 voix, soit 25.07% des suffrages exprimés. En 2012, sur la même circonscription, il avait obtenu 7540 suffrage pour 14.08%. Si nous comparons avec l’évolution nationale, où nous sommes passés de 3 984 822 de suffrages (soit 11.10%) à 7 059 951 de suffrages (soit 19.58% des exprimés), la progression sur notre circonscription est similaire à la progression nationale entre 2012 et 2017, que cela soit en voix (respectivement 42% et 43%), ou en pourcentage (respectivement 78% et 76%).

Pour les législatives les comparaisons sont plus difficiles. Le Front de Gauche avait obtenu avec la candidature de Frédéric Dutoit 7.59% (3040 voix), la France Insoumise a atteint 18.98% (6296 voix) au premier tour et 47.79% (11 648 voix) au second tour. La progression entre 2012 et 2017 est donc plus forte qu’aux présidentielles, elle atteint 107% en nombre voix et 150% en pourcentage ! Néanmoins, entre la présidentielle et la législatives nous passons tout de même de 25% à près de 19% au premier tour.

Mais comparons ces résultats aux autres circonscriptions de Marseille. Pour l’élection présidentielle, la progression entre 2012 et 2017 est assez forte, mais inférieure à celle observée sur les 3, 4 et surtout 7ème circonscriptions (Table 1). Par contre la baisse entre l’élection présidentielle et les législatives est plus faible sur les 3ème et 5ème circonscriptions (si l’on exclue la circonscription ou Jean Luc Mélenchon était candidat), alors qu’elle est très forte dans la 7ème circonscription, où la FI passe par exemple de 38.63% à 14.75%. Mais notons que le PCF s’était retiré sur la 3ème et la 4ème, alors qu’il s’est maintenu dans notre circonscription (avec 3.12%) et dans la 7ème circonscription (avec 8%). Si nous additionnons le score de FI et celui du PCF sur notre circonscription, nous atteignons 22.1% au premier tour. La baisse par rapport à la présidentielle y est alors équivalente à celle observée avec JLM sur la 4ème circonscription.

De justesse nous avons atteint le second tour, où nous doublons presque notre nombre de voix avec 5352 voix supplémentaires, excédant largement les réserves de voix existantes (2382 si on additionne PCF, PRG, EELV et POI). Il est aussi intéressant de voir que nous sommes en tête sur le 5ème arrondissement avec 51.44% et sur le 4ème arrondissement avec 51.84%.

A l’aune de ces chiffres nous pouvons conclure que nous avons fait un bon résultat à l’élection présidentielle, mais sans plus-value évidente par rapport à la dynamique nationale ou par rapport aux autres résultats à Marseille. Le bon score sur la 5ème circonscription est donc avant tout le fait d’une dynamique nationale, formidablement portée par Jean Luc Mélenchon. Par contre, nous réalisons un très bon résultat au premier tour de l’élection législative, bien supérieur aux résultats du FDG en 2012 et aux autres résultats obtenus par le FDG sur la même zone entre 2012 et 2017, mais aussi meilleur que les résultats des autres candidatures FI (excepté JLM évidemment) en 2017. Au second tour, nous faisons un score quasi inenvisageable au départ et nous perdons que de 1077 voix. L’objet de ce bilan est de voir d’une part quels sont les facteurs qui expliquent ces résultats. Ces facteurs sont de deux natures que je vais détailler séparément, la situation politique de la circonscription d’abord et la dynamique propre de notre campagne ensuite. Je conclurais sur ce que nous aurions pu améliorer et sur les conséquences politiques de ce résultat pour les élections municipales. Rappelons que le 3ème secteur dont dépend potentiellement le sort de la ville est précisément celui des 4 et 5 arrondissements que Guérini n’a pas réussi à enlever à la droite en 2007.

 

Tableau des résultats sur Marseille

circ Prés 2012 Prés 2017 Lég 2017 Evol (%)

2012- 2017

EVOL (%)

Prés – lég

1 12.31 19.45 12.24 58.00 -37.07
2 10.18 15.98 10.47 56.97 -34.48
3 13.03 24.36 18.47 86.95 -24.18
4 19.92 39.09 34.41 96.23 -11.97
5 14.08 25.07 18.98 78.05 -24.29
6 11.52 19.89 11.56 72.66 -41.88
7 18.59 38.63 14.75 107.80 -61.82

 

Le contexte local

 La 5ème circonscription recouvre des quartiers assez divers : Chutes-Lavie, Chartreux, Blancarde, Chave, Camas, Saint Pierre, Baille, Castellane, Vauban… Au nord on trouve des zones qui se rapprochent de la situation de certains quartiers nord avec des noyaux villageois et des cités plutôt ouvrières. Au sud, la partie du 6ème arrondissement est un secteur plus bourgeois. Au centre, dans l’axe délimité par la place Jean Jaurès, le boulevard Chave et les cinq Avenues, c’est une zone plus vivante et avec des populations assez diverses, typiques des centres villes. C’est une circonscription où l’on dénombre plus d’actifs (20-65 ans) et un peu plus d’artisans (10%) et de cadres (13%) que la moyenne marseillaise. Les taux de pauvreté et de chômage y sont élevés respectivement de 22.5% et 16.4% dans le 5ème arrondissement et 21.1% et 18.1% dans le 4ème arrondissement. Sur les mêmes arrondissements, le revenu disponible médian mensuel (1525 euro) y est légèrement plus faible que sur l’ensemble de Marseille[1]. Sur ces secteurs, la part d’activité des administrations publiques est importante atteignant près de 20% avec des acteurs comme les CHU de la Timone et de Conception ou la Carsat…

Le ressenti des camarades habitant le quartier depuis longtemps est que ce dernier a changé de physionomie durant les vingt dernières années. Dans certains quartiers plus bourgeois du secteur, un certain nombre de classes moyennes venues de l’extérieur de Marseille se sont installées, portant souvent des convictions de gauche, mais induisant aussi un processus de gentrification. Mais on assiste également à un phénomène de déplacement interne dans la ville, des familles quittant les quartiers nord pour venir s’installer dans les quatrième et cinquième arrondissements réputés plus tranquilles.

 Le découpage électoral actuel a été effectué en 2010 et est entrée en vigueur en 2012. La comparaison avec les élections antérieures à 2012 est donc difficile. Entre 1986 et 2012, la 5ème circonscription comportait en plus le 10ème arrondissement, mais ne comportait pas le 4ème. Le PS avec Marie Arlette Carlotti a gagné la circonscription de justesse (51.81%) lors de la vague rose de 2012 contre Renaud Muselier, ce qui pourrait classer cette circonscription de gauche. Mais il est utile aussi d’examiner les résultats aux élections municipales passées. Dans le 3ème secteur (4 et 5ème arrondissements), la droite l’emporte en 1995 (47% contre 37% à l’union de la gauche), 2001 (52.91% contre 32.45%) et 2014 (47.75% contre 33.39%) dans des triangulaires, ainsi qu’en 2008 en duel (51.43% contre 48.57%). Hollande est certes en tête en 2012 largement sur le 5ème arrondissement, et de justesse sur les 4ème et 6ème arrondissements. Mais en 2007, Sarkozy était légèrement en tête sur tous ces arrondissements. Cette circonscription était donc indéniablement plutôt de droite, mais la situation sociale et les évolutions en cours sont peut-être en train de changer cela, ce qui peut expliquer notre bon résultat.

Mais en ce qui concerne les législatives 2017, l’élimination de la droite au premier tour très implantée dans ces secteurs et le fait que nous arrivions en tête au second tour dans les 4ème et 5ème arrondissements constituent une réussite majeure de notre campagne.

D’autres éléments de contexte sont à prendre en considération pour faire un bilan complet. Le 15 mai 2017, la députée sortante et ancienne ministre déléguée auprès du ministère de la Santé, investie par le PS renonce à se présenter, probablement du fait de sondages très défavorables. Son retrait tardif est évidemment un point très important pour expliquer notre bon score du premier tour. D’autant plus que deux candidats (Madrolle et Desille) se sont ensuite disputés l’investiture PS. La campagne de JLM dans la circonscription voisine a indéniablement accru notre visibilité, même si celle-ci a été moindre que dans la 3ème circonscription (celle de Sarah Soilihi). D’autre part, la candidate d’En Marche avait aussi un déficit de notoriété.

 

Une campagne dynamique mais tardive

 Les candidats (titulaire, moi-même) et suppléante (Anne Mandine) ont été désignés localement par la seconde Assemblée Générale de circonscription le 6 mars 2017. Mais nous n’avons pas débuté de campagnes législatives avant le 11 mai 2017. La campagne présidentielle a été assez dynamique avec l’activité de quatre groupes d’appui (Cinq Avenue, Chave, Castellane, Vauban). Cette première partie de campagne a mobilisé un nombre de militants un peu supérieur à celle de 2012, mais surtout les formes étaient différentes avec plus d’actions d’éducation populaire et un ancrage territorial plus fort. La campagne législative a été plus dynamique, avec au total une bonne centaine de militants et 350 contacts. De nouveaux groupes d’appuis sont entrés en action, notamment à Baille et aux Chartreux. Nous avons organisé trois débats au Théâtre de la Comédie rassemblant à chaque fois entre 60 et 100 personnes dont les thèmes étaient la présentation de la campagne, la loi travail et la santé. De nombreux apéros – débats ont été organisés notamment au local de campagne que nous avons loué un mois. D’autres initiatives ont été organisés dans les cités (Blancarde, Chutes-Lavie…), dans les rues (déambulation avec JLM) ou dans les parcs (Longchamp).  Enfin, les tractages ont été multiples et nous avons rencontrés la majeure partie des commerçants et autres acteurs de la circonscription. Sur la fin de la campagne, la presse a relativement bien couvert notre campagne avec des articles dans l’Humanité, la Marseillaise, la Provence ou Marsactu et des entretiens à France Info, Radio Gazelle ou France 3. Enfin nous avons produit de nombreuses vidéos[2].

L’organisation de la campagne passait au départ par un comité de campagne avec une directrice de campagne, le mandataire et des représentants des groupes d’appui. Reconnaissons que nous n’avons pas réussi à ce que ce cadre soit vraiment opérationnel et démocratique. Nous avons réussi par contre à faire en sorte que chacun puisse trouver sa place et que tout cela soit relativement coordonné. A la fin nous disposions d’une liste de diffusion mails, d’un groupe de colleurs, de permanences régulières au local, d’un agenda de campagne, d’une graphiste de talent, d’une responsable de la communication avec les médias et d’un responsable de la logistique. Ce travail collectif nous a permis de produire 4 affiches originales (en plus de l’affiche officielle) et 22 tracts ou flyers. Nous avons distribué exactement 43 350 tracts (soit 500 tracts/ militant) et collé 5630 affiches, 4000 autocollants et 2000 bandeaux. L’existence du local a été très importante. Elle a pallié en partie les problèmes d’organisation et permis une assez bonne cohésion de la campagne. Au total la campagne a coûté plus de 20 000 euros et nos comptes ont été validés par la commission des comptes le 16 octobre 2017.

 

Eléments d’autocritique

Le bilan de la campagne pour moi est positif et explique le bon score que nous avons obtenu. Il est le fruit d’un formidable travail collectif et je remercie tous les militants qui y contribué. J’ai néanmoins quelques regrets et critiques.

D’abord, nous aurions dû commencer la campagne législative plus tôt. Les consignes nationales de la France Insoumise et surtout les problèmes logistiques nationaux qui ont suivi la convention ont été un sérieux handicap.

L’absence d’accord local avec le PCF a été selon moi une erreur. Nous sommes au second tour pour 40 voix et nous perdons au second pour 1000 voix, alors que le PCF en fait 1035. Cette désunion aurait pu nous coûter l’accès au second tour, et le climat tendu entre le PCF et FI nous a probablement aussi coûté des voix au second. On peut évidemment objecter qu’un éventuel accord nous aurait aussi coûté d’autres voix au premier tour et étaient rendu impossible par les logiques nationales. Mais sur Marseille, 4 circonscriptions étaient gagnables (dont la 7ème la plus à gauche probablement imperdable), nous n’avons au final qu’un député…Pour le second tour notre faible implantation dans la vie local politique, nous a probablement empêcher de faire le plein des voix du côté du PS.

Il est évident que le manque de coordinations entre groupes d’appui a été un handicap sérieux. Si la logique très horizontale avec de petits groupes d’appui sans réels connexion les uns avec les autres a pu avoir son intérêt fort pour la présidentielle, c’est rapidement devenu un verrou pour les législatives. Faute de coordination globale, et d’information suffisante sur l’état des groupes d’appui, les différences d’activité et d’investissement entre groupes d’appui n’ont pu être palliées. Par exemple, l’analyse des résultats du second tour montre que nous perdons à cause du 6ème arrondissement. Ce secteur nous est évidemment sociologiquement plus défavorable. Mais il faut nuancer cela. Le taux de pauvreté y est tout de même de 20.7% et Hollande y était quand même arrivé en tête au second tour en 2012. Nous n’avons pas milité sur certains secteurs où il n’y avait pas de groupes d’appui (près de Notre Dame de la garde) et nous n’avons probablement pas suffisamment aidé les groupes d’appui de ces secteurs (Castellane, Baille, Vauban).

 

Perspectives

 

Au vu de ce bilan, il est assez évident, que les élections municipales sont gagnables par la France Insoumise sur le troisième secteur de Marseille. Il est aussi possible de gagner cette circonscription en cas d’élections législatives anticipées (le recours de Moraine est toujours d’actualité). Cela dépendra évidemment de la situation politique nationale, mais je pense que la position de principal opposant de la FI durera un certain temps. Mais cela dépendra de notre capacité à nous améliorer collectivement: un profil plus unitaire pour être en mesure de rassembler au second tour et une meilleure organisation de campagne avec une capacité à mailler tout le territoire.

 

Il nous faudra aussi travailler sur le terrain à des propositions politiques, économiques, sociales, écologiques et urbaines pour Marseille et le secteur et renforcer nos contacts avec le tissu associatif et politique local.

 

 

[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/1405599?geo=AU2010-003+FRANCE-1+COM-13204+COM-13205+ARR-133+COM-13206

[2] http://www.marseille-insoumise.fr/2017/06/08/portrait-local-hendrik-davi-anne-mandine-5eme-circonscription-bouches-rhone/)

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