Initialement publié dans Médiapart
Emmanuel Macron a prononcé un discours au congrès de la conférence des présidences d’Universités ce jeudi 13 janvier, dans lequel il propose une réforme systémique de l’université. Des chercheurs et enseignants-chercheurs membres du parlement de l’Union Populaire, des députés, ainsi que des membres de la communauté universitaire lui répondent.
Depuis 2007, chaque gouvernement a réformé l’Université et la Recherche dans le même sens : la Loi relative aux Libertés et aux Responsabilités des Universités de Valérie Pécresse (sous la présidence Sarkozy), la Loi relative à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche de Geneniève Fioraso (sous la présidence Hollande), la Loi relative à l’Orientation et à la Réussite des Étudiants (O.R.E) de Frédérique Vidal (sous la présidence Macron) à laquelle s’est ajoutée la Loi de Programmation de la Recherche (L.P.R.).
Ces contre-réformes, menées d’abord par la droite, puis par les socialistes et leurs alliés et enfin par La République en Marche, ont profondément transformé l’Université et la Recherche. Elles correspondent à un projet de société néolibéral, rompant avec le droit à l’éducation et menaçant les fondements même d’une démocratie.
Sans surprise, le récent discours du 13 janvier dernier d’Emmanuel Macron au Congrès de la Conférence des Présidents d’Université (CPU) propose d’approfondir cette transformation : professionnalisation des cursus, augmentation drastique des frais d’inscription, endettement étudiant, sélection accrue à l’entrée, etc.
Bref, il propose d’augmenter encore les maux dont souffre l’Université depuis plus de quinze ans.
Pour nous, au contraire, il est plus que temps de rompre avec l’esprit de ces réformes.
La production et le partage des savoirs sont au cœur de tout projet émancipateur et sont au fondement même de la démocratie. L’accroissement de nos connaissances individuelles et collectives est d’abord une fin en soi, car pour l’humanité la compréhension des phénomènes est source de progrès collectif. L’Université et la Recherche contribuent aussi à l’intérêt général, en développant l’esprit critique des citoyens et en accroissant le partage des connaissances scientifiques pour le plus grand nombre.
Le service public d’enseignement supérieur et de recherche est pour nous l’un des piliers de la VIème République à bâtir, qui garantira la nature démocratique de l’Université et contribuera par ses actions au projet d’émancipation collective et individuelle et de réponse aux besoins sociaux et environnementaux, revenant ainsi aux sources du socialisme républicain authentique et à sa finalité telle que Jean Jaurès la définissait : la République, jusqu’au bout.
Le projet de l’Avenir en Commun, porté par la candidature de Jean-Luc Mélenchon, est de refonder un service public ambitieux de l’enseignement supérieur et de la recherche.
La création et la critique des savoirs au service du bien commun impliquent (1) une indépendance accrue de la Recherche par un accès au temps long, garanti par un statut national reconnu aux différents personnels et par des financements pérennes, ce qui implique notamment la suppression de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et des initiatives dites d’excellence (2) ; un dialogue renouvelé entre le savoir et la société, avec des universités enfin ouvertes, le développement de pratiques participatives et un lien fort entre l’enseignement supérieur et le secondaire ; (3) la reconnaissance du caractère collectif de la recherche et de l’enseignement et la sortie de la compétition généralisée et de « l’évaluationnite aiguë », et donc la suppression du monstre bureaucratique qu’est le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES).
La transmission de ce savoir en construction aux étudiants désireux de se former nécessite de réaffirmer le droit à l’éducation, la solidarité entre enseignement et recherche, d’augmenter les moyens par étudiant à l’université et de garantir par la loi le droit à la reprise d’études et à la formation continue ; (4) l’instauration d’une véritable égalité de financement entre les élèves des classes préparatoires et les étudiants de Licence.
Une telle transformation républicaine et démocratique de l’Université et de la Recherche suppose des moyens financiers nouveaux.
Il conviendra d’abord de supprimer la première niche fiscale, le Crédit Impôt Recherche (C.I.R.), qui depuis plusieurs années permet à certains grands groupes de mener des opérations d’optimisation fiscale quand il ne s’agit pas de fraude tout court, comme de nombreux rapports l’ont montré, y compris celui de la Cour des Comptes. Pour ne prendre qu’un seul exemple, Sanofi a pu bénéficier de ce dispositif tout en fermant ses laboratoires de recherche. Ce sont ainsi plusieurs milliards d’euros qui chaque année pourraient être alloués au service public de l’enseignement supérieur et de la Recherche.
Ces ressources budgétaires nouvelles permettront de mettre un terme à l’austérité en portant l’effort de recherche et développement à 3 % du PIB, avec 1,5 % du PIB pour le secteur public en 2027. Une hausse massive des crédits pérennes pour les unités sera décidée, ainsi qu’un plan ambitieux de création de 30 000 emplois en 5 ans et 8000 allocations doctorales supplémentaires par an. De même, le point d’indice sera augmenté de 15%, tous les contractuels exerçant des fonctions pérennes seront titularisés et la durée du contrat doctoral sera étendue à 4 ans.
Les financements résultant de la suppression du C.I.R. seront complétés par une réforme de la fiscalité sur l’héritage. Au-delà de 12 millions d’euros de patrimoine à transmettre, les droits de transmission seront de 100%. La somme récoltée permettra de financer les mesures en direction des élèves de la voie professionnelle et de la lutte contre la précarité étudiante : allocation mensuelle de 1063 euros ; construction de 15 000 logements universitaires supplémentaires par an ; accès à tous les bacheliers sans sélection à la formation de leur choix. Par ce financement, ils deviendront les héritiers de la société.
Le service public sera aussi au cœur du dispositif de formation et de recherche pour mettre en œuvre la bifurcation écologique en articulant mieux notamment la recherche fondamentale, la recherche finalisée et le transfert des innovations.
L’ensemble de ces transformations doit permettre à l’Université et plus généralement au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont les Établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) — CNRS, INSERM, INRAE, INED, INRIA, IRD — sont une composante importante, d’être des piliers pour une VIème République, démocratique et sociale. Il ne saurait y avoir de véritable démocratie sans accès du plus grand nombre à tous les savoirs, y compris ceux qui sont en cours d’élaboration, condition d’une intelligence collective c’est-à-dire de décisions produites démocratiquement en vue de l’intérêt général.
Nous appelons donc à voter et à faire voter pour le projet « L’Avenir en Commun », porté par la candidature de Jean-Luc Mélenchon.
Retrouver l’intégralité du programme de l’Union Populaire pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche ici:
Premiers signataires :
Hendrik Davi (Directeur de Recherche en Écologie, co- animateur du Groupe Thématique ESR, membre du parlement de l’Union Populaire)
Karin Fischer (Professeure des Universités en Études irlandaises et britanniques, co- animatrice du Groupe Thématique ESR, membre du parlement de l’Union Populaire)
Aurélié Trouvé (Maîtresse de Conférence en Économie, présidente du Parlement de l’Union Populaire)
Eric Berr (Maître de Conférences en Économie, membre du Parlement de l’Union Populaire)
Barbara Stiegler (Professeure des Universités en Philosophie politique, membre du parlement de l’Union Populaire)
Razmig Keucheyan (Professeur des universités en Sociologie, membre du Parlement de l’Union Populaire)
Léo Charles (Maître de Conférences en Économie, membre du parlement de l’Union Populaire)
Sílvia Capanema (Maître de Conférences USPN, conseillère départementale SSD, membre du parlement de l’Union Populaire)
Stefano Palombarini (Maître de Conférences en Économie, membre du Parlement de l’Union Populaire)
Jean Marie Brom (Directeur de Recherche en Physique, membre du Parlement de l’Union Populaire)
Alain Roques (Directeur de Recherches émérite en Entomologie, INRAE, membre du Parlement de l’Union Populaire)
Cédric Durand (Professeur en Economie, membre du Parlement de l’Union Populaire)
Anthony Smith (Docteur en Science Politique, syndicaliste Inspection du travail, membre du Parlement de l’Union Populaire)
Marie Mesmeur (Étudiante en Sociologie, Secrétaire Nationale de l’Alternative ESR, membre du Parlement de l’Union Populaire)
Frédéric Lebaron (Professeur de sociologie)
Arnaud Saint–Martin (Chargé de recherche au CNRS, conseiller municipal et communautaire LFI à Melun)
Hugo Harari–Kermadec (Professeur des Universités en Sociologie)
Brice Le Gall (Sociologue au Centre européen de sociologie et de science politique)
Sabine Rubin (Députée)
Michel Larive (Député)
Muriel Ressiguier (Députée)
Clémentine Autain (Députée)
Eric Coquerel (Député)
Manon Aubry (Députée Européenne)
Manuel Bompard (Député Européen)
Clémence Guetté (Responsable du programme l’Avenir en Commun)