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Proposition de loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche

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L’acquisition et la diffusion des savoirs est nécessaire à l’émancipation de toutes et tous. Cela est d’autant plus vrai que notre société devient chaque jour plus complexe, techniciste et que nous faisons face à de nombreux défis économiques, sociaux et écologiques, qui requièrent davantage de connaissances scientifiques.

Le service public de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) est donc un pilier essentiel de notre société. Il a pour missions de produire des savoirs – fondamentaux et finalisés – et de les diffuser auprès de notre jeunesse, à des fins de formation et de qualification, mais aussi plus largement à l’ensemble de notre société.

Le manque chronique d’investissement dans l’enseignement supérieur a conduit à mettre en place une sélection à l’entrée de l’université qui est non seulement une injustice, mais aussi un obstacle à l’augmentation du niveau global de qualification au sein de notre société. En 2022, 125 000 bacheliers n’ont obtenu aucune proposition de formation dans l’enseignement supérieur et 300 000 d’entre eux ont dû s’inscrire dans un cursus qui n’était pas conforme à leur choix.

Toutes les bachelières et tous les bacheliers qui souhaitent poursuivre des études doivent pouvoir le faire, en choisissant leur filière. Toutes celles et tous ceux qui souhaitent poursuivre leur formation à l’issue de leur licence doivent aussi avoir une place en Master.

Pour être accessible à toutes et tous, l’enseignement supérieur doit être gratuit, comme l’enseignement primaire et secondaire.

Faire du droit à la poursuite des études une réalité est l’enjeu des articles de notre chapitre 1er intitulé « Ouvrir l’accès à l’Enseignement Supérieur ». Nous y proposons la suppression de Parcoursup (Article 1er), la suppression de la sélection en master (Article 2), et la gratuité des formations universitaires publiques (Article 3).

Au‑delà du droit à poursuivre des études supérieures, il faut aussi donner aux étudiants les conditions matérielles d’exercer ce droit sans obstacles. Les étudiants doivent avoir les moyens de vivre dignement pendant leurs études. C’est l’objet des articles de notre chapitre 2 intitulé « Éradiquer la précarité étudiante ». Nous y proposons d’abord que tous les étudiants détachés du foyer fiscal de leurs parents bénéficient d’une allocation d’autonomie équivalent à 60 % du niveau de vie médian qui correspond au seuil de pauvreté (Article 4). Nous ne devons plus voir des étudiants dormant sous des tentes, dans des campings ou en file d’attente pour bénéficier de l’aide alimentaire. Nous proposons donc aussi un vaste plan de construction de logements étudiants et de tendre vers la gratuité des repas pour tous dans les restaurants universitaires (Article 5).

Il faut aussi que l’enseignement supérieur permette la réussite de toutes les étudiantes et tous les étudiants. Les réformes successives ont échoué à améliorer significativement le taux de réussite en licence, qui est passé de 46,7 % pour les étudiants inscrits en 2007 à 50,15 % pour ceux de 2015. Cette incapacité à accompagner la moitié des étudiants vers la réussite est en grande partie due à la baisse du taux d’encadrement, qui est passé de un enseignant pour 38,4 étudiants en 2012 à 1 pour 47,3 en 2019. On sait que le taux de réussite en licence est corrélé à la dépense par étudiant, qui a baissé en moyenne de 10 % depuis 2009. Il est nécessaire de recruter du personnel et de consolider leur statut. Avec ces recrutements, il sera possible de consolider les dispositifs qui permettent l’accompagnement des étudiants en difficulté. C’est l’objet des articles du chapitre 3 intitulé « Recruter des chercheurs et consolider leur statut ».

Aujourd’hui, sans compter les vacataires dont le nombre ne cesse d’augmenter, près de 22 % des personnels sont contractuels et certains dans des situations parfois dramatiques. Nous proposons un plan de titularisation des contractuels exerçant des fonctions pérennes pour en finir avec cette précarité des jeunes chercheurs (Article 6). Les recrutements ont été insuffisants ces dernières années, avec une division par trois du nombre de postes de maîtres de conférences offerts aux candidats entre 1998 et 2020. Nous proposons d’abroger les principales dispositions de la Loi de Programmation de la Recherche (LPR) et ainsi de modifier la trajectoire d’emplois pour recruter plus de personnels dans les universités dans toutes les catégories (Article 7). La trajectoire en termes d’emplois n’est de toute façon pas mise en œuvre du fait des effets conjoints de la fongibilité asymétrique et de l’autonomie budgétaire des universités concernant la gestion du personnel. Nous proposons donc de retirer aux universités la responsabilité et la compétence en matière de gestion des ressources humaines prévue par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) (Article 8).

Enfin, les salaires sont insuffisants, ils ont perdu au moins 20 % de leur valeur depuis les années 2000 du fait du gel du point d’indice. L’augmentation du point d’indice et son dégel sont une nécessité, mais il faut aussi une revalorisation des grilles salariales des personnels de l’ESR pour rattraper le retard de leur rémunération par rapport à celle de leurs collègues de l’OCDE (Article 9). La LPR a introduit de nouveaux types de contrats, sur le modèle de ceux du privé, qui génèrent de nouvelles formes de précarité. Nous proposons donc la suppression des dispositifs de la LPR sur les chaires d’excellence, les contrats à durée indéterminée de mission et les primes au mérite (Article 10).

À la rentrée 2020, 70 700 étudiants sont inscrits en doctorat, alors qu’ils étaient 81 243 à la rentrée 2009. Cette érosion du nombre de docteurs est préoccupante. Nous proposons d’augmenter de 8 000 le nombre d’allocations doctorales, notamment en Sciences Humaines et Sociales, dans lesquelles le non financement des doctorats demeure trop souvent la règle. En 2020, près de 60 % des doctorats se terminent plus de 40 mois après le début de la thèse. La durée moyenne des doctorats diminue sous la contrainte des financements, mais cela se fait au prix d’une plus grande souffrance des étudiants en fin de thèse. Nous proposons donc d’allonger la durée du contrat doctoral pour les doctorants qui souhaitent le poursuivre une quatrième année (Article 11).

Enfin, pour produire plus de savoirs scientifiques dans tous les domaines, notamment la planification écologique, il est nécessaire d’augmenter les moyens de la recherche publique fondamentale (CNRS) et finalisée (INSERM, INRAE, IRD, CEA…). Le pilotage de la recherche par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et les Investissements d’Avenir (PIA) ont montré leurs limites et n’ont pas permis la réindustrialisation de la France. Le système de financement de la recherche doit être revu de fond en comble, c’est l’objet des articles du chapitre 4 intitulé « Affecter autrement les moyens dédiés à la recherche, en passant d’une logique d’appels à projets à des crédits récurrents ». Les investissements d’Avenir ont contribué à déséquilibrer l’écosystème de l’ESR en renforçant les inégalités entre établissements, nous proposons donc de supprimer ces dispositifs en réaffectant ces moyens sous forme de crédits récurrents et en lançant un programme de grands équipements pour les enjeux de la planification écologique (Article 12). Le montant du Crédit d’impôt recherche (CIR) est passé de plusieurs centaines de millions d’euros en moyenne en 1990 à plus de sept milliards en 2022, faisant de ce dispositif la première niche fiscale pour les entreprises de recherche qui y recourent. Il représente près de 40 % du budget du périmètre recherche de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». Il dysfonctionne depuis 2007. L’augmentation des dépenses en R&D et celle du nombre de chercheurs semblent surtout dues à de la requalification d’emplois techniques en emplois scientifiques par certains grands groupes. Nous proposons de le supprimer au profit d’un fonds d’investissement dans la recherche collaborative (Article 13).

Il n’y a pas de partage des savoirs scientifiques sans une recherche fondamentale et finalisée de qualité. Développer une recherche de qualité requiert l’indépendance des enseignants‑chercheurs et des chercheurs et un accès au temps long, garantis par un statut national et par des financements pérennes. De plus, la reconnaissance du caractère collectif de l’enseignement et de la recherche doit nous faire sortir de la compétition généralisée et de « l’évaluationnite aiguë ». Nous proposons, au chapitre 5, de « Favoriser la liberté académique des scientifiques ». Les scientifiques sont les mieux placés pour élaborer les programmes de recherche adaptés au front de science sur lequel ils travaillent. Le fonctionnement sur une logique de projets a transformé les chercheurs en chercheurs d’argent et rédacteurs de rapports. Pour cette raison, nous proposons la suppression de l’ANR et la réallocation des moyens sous forme de crédits récurrents aux unités (Article 14). L’évaluationnite aiguë et les injonctions managériales déstabilisent les collectifs et renforcent la souffrance au travail. L’évaluation doit rester une évaluation scientifique faite par les pairs et organisée par les établissements eux‑mêmes, nous proposons donc la suppression du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Article 15).

Enfin, nous proposons, au chapitre 6, de « Rendre libre et gratuit l’accès à la publication scientifique ». La diffusion de la connaissance scientifique est un enjeu essentiel pour les industriels, mais aussi pour tous les citoyens. Or les éditeurs sont aujourd’hui largement privés et l’accès aux publications très onéreux. Chaque année, les dépenses en ressources électroniques s’élèvent à 29 millions d’euros pour les organismes de recherche. Les éditeurs scientifiques font par ailleurs des profits colossaux, pouvant dépasser les 30 %. Nous proposons de bâtir un service public de la publication scientifique, pour pouvoir à terme se passer de ces éditeurs privés (Article 16).

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