Dans son interview à TF1, le nouveau premier ministre a martelé qu’il voulait “de l’action, de l’action, de l’action”. Mais le peuple n’est pas dupe : après le coup de balai aux ministres qui avaient osé critiquer la loi Darmanin-Le Pen, ce ballet ministériel n’est qu’un énième coup de communication, en vue des européennes : de la com, de la com, de la com. Mais quelle communication?! Le message envoyé aux Français par ce remaniement est catastrophique à bien des égards. Analyse.
Une architecture gouvernementale méprisant les grands enjeux
L’organisation du gouvernement reflète le désintérêt de la Macronie pour les sujets vitaux comme la santé, l’éducation, le logement et l’environnement.
En accordant à une seule ministre la charge des ministères de la santé, du travail et des solidarités, les jumeaux Attal-Macron montrent que ces sujets sont le cadet de leur souci.
Le ministère de l’éducation nationale, réputé très exigeant pour les ministres tant la concertation et le contact avec le terrain sont cruciaux, est associé au sport et aux jeux olympiques. Là encore, derrière les grandes promesses creuses d’Attal, il n’y a que mépris pour des enseignants épuisés et une indifférence crasse pour les enfants des classes populaires.
Ce n’est pas tout ! Alors que les épisodes de grand froid que nous traversons nous rappellent avec horreur que le droit à un logement digne est bafoué en France, alors que des milliers d’enfants dorment à la rue, alors que nous n’avons jamais eu autant besoin de rénovations énergétiques, alors que les prix de l’immobilier explosent, l’exécutif décide de supprimer le ministre du logement ! Mépris pour les classes populaires, mépris pour les 330 000 sans-abris dont le nombre a triplé depuis 2001, mépris pour les millions de Français qui peinent à se loger.
Mépris royal, enfin, pour l’écologie. Que dire en effet de la relégation du ministre de la Transition écologique au 11e rang protocolaire ? En 2022, avant des législatives où E. Macron voulait ménager l’électorat de gauche, ce ministère était en 5ème position ! Alors que la Macronie a fini sa transition du centre vers la droite, il est relégué parmi les derniers. Au-delà du symbole, le message est clair : l’environnement ne sera pas une priorité politique de ce gouvernement. Et que dire de la disparition du ministre de la transition énergétique, qui a déjà suscité des inquiétudes dans le secteur des énergies renouvelables ?
Quant à la répartition des ministères entre femmes et hommes, Attal excelle dans la caricature des stéréotypes de genre. Aux hommes les ministères “sérieux”, régaliens et associés à la sphère productive : économie, justice, intérieur, armées, agriculture. Aux femmes les ministères du “care”, associés à l’imaginaire de la reproduction des forces de travail : éducation, enseignement supérieur, santé, solidarités, culture… Un cas d’école pour la sociologie du genre, qui a déjà documenté en détail cette persistance de la division sexuelle des tâches au sein de l’Etat. Ah sexisme, quand tu nous tiens !
Un casting affligeant
Au-delà de la structure, et puisque nous savons déjà que la ligne politique néolibérale ne déviera pas d’un pouce, regardons l’équipe. Et quelle équipe ! Un savant mélange d’incompétences et de reniements, avec quelques soupçons de corruption et de mises en examen pour relever le tout.
Catherine Vautrin, directrice de marketing de profession, connaît-elle l’hôpital public et la détresse des soignants ? Que nenni, son expérience se limite à un passage au cabinet de la directrice de l’AP-HP et au pilotage d’une “task force” sur les masques et vaccins pendant la pandémie de COVID-19. C’est de bon augure.
Rachida Dati a-t-elle quelque chose à voir avec le monde de la culture ? A défaut, a-t-elle jamais exprimé un intérêt pour ce sujet ? Non. Rien. Rien que de l’opportunisme aveugle et du carriérisme sans borne.
Amélie Oudéa-Castéra est-elle une institutrice au fait de tous les rouages et difficultés de l’Education nationale? Certainement pas : c’est une énarque qui a servi plusieurs grands groupes comme AXA, Carrefour, SRP, Plastic Omnium.
Malgré toute cette incompétence, un mouvement social se retrouve bien représenté dans ce gouvernement : c’est la Manif pour tous. Rachida Dati, Catherine Vautrin et Aurore Bergé ont peut-être eu l’occasion d’y sympathiser, entre deux pancartes homophobes. Ceci est d’autant plus grave que la dernière est nommée ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes…
Quant à la ministre de l’enseignement supérieur, elle ne doit la conservation de sa fonction qu’à son reniement sur les mesures discriminatoires pour les étrangers issues d’une loi immigration raciste qui organise la préférence nationale dans nos politiques publiques et qui a été dénoncée par les présidents d’université, les syndicats étudiants et de personnel et l’intégralité du monde de la recherche.
Enfin, c’est évidemment un gouvernement exemplaire d’un point de vue moral : Est-il besoin de commenter la mise en examen de Rachida Dati pour corruption et trafic d’influence ? Depuis les affaires de Darmanin, de Dussopt, de Dupont-Moretti, de Firmin-Le Bono, de Blanquer, de Lecornu, de Griset (liste non-exhaustive !), tout le monde sait qu’en Macronie la mise en examen n’est pas un critère disqualifiant pour briguer un ministère, mais plutôt un accélérateur de carrière…
Dernière cartouche de la macronie ?
En réalité, ce remaniement est une tentative désespérée de réponse à l’impasse dans laquelle se trouve la Macronie. L’absence de majorité politique au parlement est le reflet du manque de majorité d’idées dans le pays. Olivier Dussopt et Elisabeth Borne sont les victimes de la mobilisation massive contre les retraites et du virage à droite toute sur l’immigration. Mais une fois dissipé l’écran de fumée de com autour du jeune loup devenu premier ministre alimenté par les chaînes d’information continues, que restera-t-il ? Rien : un gouvernement fragile qui recycle de vieilles idées qui ne résolvent ni la crise écologique (notre empreinte carbone est la même qu’en 2016), ni la crise sociale (330 000 sans domiciles fixes, 4.1 millions de mal logés et 11.5 millions de pauvres). Les seuls à profiter de la politique macroniste sont les actionnaires du CAC 40, dont les dividendes ont atteint un nouveau record en 2023 avec près de 100 milliards d’euros.
Alors avec colère et détermination, nous devons nous rassembler dans la rue et pour les prochaines échéances électorales pour faire triompher une alternative politique de rupture avec ces politiques. C’est la seule façon de combattre le spectre fasciste.